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"On a le sentiment d’être sacrifiés" : le coup de gueule d’une directrice d’un Ehpad marnais face au Covid-19

facebook vendredi 27 mars 2020

Vendredi 27 mars 2020 à 6:03 -
Par Stéphane Maggiolini, France Bleu Champagne-Ardenne
Saint-Germain-la-ville, France

Sévèrement touchés depuis le début de la crise sanitaire du Coronavirus en France, les Ehpad sont à sont à bout de souffle. Pénurie de masques, distanciation sociale impossible et manque de soignants : la directrice de l’Ehpad de Saint-Germain-la-Ville dans la Marne craint un véritable "carnage".

Image d’illustration. © Radio France - Cécile Soulé
Ils sont contraints de jouer avec le feu. Les personnels des Ehpad sont à bout de souffle dans cette "guerre" contre le Coronavirus. ll y a quelques jours, les directeurs d’Ehpad, en France, redoutaient la mort de 100.000 pensionnaires à cause de la pandémie. Aujourd’hui, la directrice de l’Ehpad de Saint-Germain-la-Ville, près de Châlons-en-Champagne (Marne) tire la sonnette d’alarme sur France Bleu.
Si le Covid-19 entre dans l’établissement, ça sera un carnage - Françoise Desimpel, directrice de l’établissement.
Pour l’instant, aucun résident ni personnel n’est touché par le virus dans cet Ehpad marnais, mais pour la responsable des lieux, cela semble être inévitable tant sa structure n’est pas adaptée ni équipée pour gérer cette crise. "Nous pouvons toujours essayer de confiner les résidents dans leur chambre, ils n’y resteront pas et nous n’avons pas le nombre suffisant de surveillants pour les mettre derrière chaque porte. Pour ce qui est du respect de la distanciation sociale, comment faire quand il faut porter les personnes pour les aider à se lever, à se laver", s’interroge Françoise Desimpel qui met en garde aussi sur les troubles comportementaux graves qui pourraient voir le jour à cause d’un confinement.

Le personnel : danger numéro 1

Les visites des proches étant interrompues depuis plusieurs semaines, "le seul moyen de faire entrer le virus par l’extérieur, c’est le personnel. Les équipes sont censées changer leur masque toutes les trois heures, pénurie oblige, elles travaillent avec un masque par jour, ce qui veut dire que potentiellement, nos agents peuvent transmettre le virus aux résidents tous les jours. Notre seul moyen de contrôler nos soignants c’est de leur prendre la température à leur prise de service et à leur fin de journée", se désole la directrice de l’Ehpad. Si un membre du personnel est touché, ou même en contact avec un cas positif, il est alors écarté du service ce qui pose des problèmes d’effectifs.
On vit dans l’angoisse permanente - Françoise Desimpel, directrice de l’Ehpad de Saint-Germain-la-Ville.
L’arrivée du virus dans l’établissement semble inévitable. Pourtant, aucun personnel n’est armé face à la menace. Tous ont le sentiment d’être abandonnés par l’État.

"La population âgée et les personnels qui s’en occupent ont été sacrifiés ! Oui : on manquait de masques, il n’y en avait pas assez pour tout le monde. On les a donné d’abord aux hôpitaux en pensant que, bon, s’il y avait des morts dans les Ehpad...de toute façon il y en a tout le temps...ce sont des personnages âgées qui sont là pour mourir", interprète Françoise Desimpel.
Entre colère et incompréhension
Selon elle, ses équipes ont le même sentiment. Tous sont inquiets pour eux, pour les résidents auxquels ils tiennent énormément, "ils se disent que si, parce qu’ils n’ont pas eu de masque, ils ont contaminé quelqu’un auquel ils sont attachés, comment ils vont vivre ça ? C’est traumatisant ! Et puis comment allons-nous expliquer aux familles, leur dire que l’on a fait le maximum pour que ça n’arrive pas. Nous ne serons pas les soignants qui auront héroïquement lutté pour sauver des vies mais ceux qui n’auront pas empêché les morts, ça c’est difficile à porter", s’émeut la directrice.